Hommage à Patrick Thielen

[christianCCG]

Patrick,

Tu étais mon frère, mon grand frère,

Celui qui est devant,
Celui qui ouvre le chemin,
Celui qui a une longueur d’avance,
L’homme de tête qui montre et qui sait.

Sur le chemin de ma vie, tu as posé de nombreux échelons, auxquels j’ai pu me tenir pour me hisser et avancer.

Tout petit, au chalet, tu m’emmenais à la découverte des forêts et des ruisseaux de la montagne. Habile bricoleur, tu me construisais des jouets en bois, dont un merveilleux petit traîneau, qui a nourri mes aventures imaginaires de petit garçon.

Plus tard, je t’ai suivi dans le monde du kayak, une rude école. Je débutais quand tu étais déjà moniteur. Tes exploits en eaux-vives furent rapidement connus. Téméraire, tu ouvrais les chutes et les rapides, tu aimais les sensations fortes, les montées d’adrénaline dans les gros bouillons des rivières.

Tu étais mon frère et j’en étais fier.

Tu m’as donné le goût du risque, de la compétition et du danger. En te suivant, j’ai appris à surmonter mes peurs, à trouver le courage nécessaire pour garder la tête hors de l’eau dans les remous les plus tumultueux.

Tu étais Patrick mon moniteur.

Tu te sentais l’âme d’un aventurier, tu aimais la nature et ses éléments. Sur tes traces, j’ai découvert les torrents, les rochers, la neige et la glace des montagnes, mais aussi la beauté colorée des fonds marins. Avec toi, j’ai traversé de fabuleux paysages dans une nature éblouissante de beauté.

Nombreux sont ceux qui ont partagé et apprécié tes aventures. Bon avec les gens, rarement fâché, tu aimais les rires autour du feu de camp.

Tu étais Patrick mon guide.

Tu étais aussi celui qui savait tout, ou presque.

Tu venais de terminer brillamment l’EPFL quand j’ai rejoint les bancs de cette même école. Les mathématiques, la mécanique et l’informatique avaient peu de secrets pour toi, ce qui m’a bien aidé à passer mes examens.

Tu étais Patrick mon professeur.

Dans la foulée, tu as créé ton propre bureau d’ingénieur, la PTM. Très indépendant de nature, il était normal que tu le sois aussi dans ta profession. Le bureau est devenu ta passion, ton obsession. Tu as trimé dur avant de récolter les fruits de ton labeur. Tu es devenu un employeur, très à l’écoute de tes collaborateurs. Tu maitrisais avec brio le monde de l’entreprise et encore une fois, j’en ai bénéficié en ouvrant mon propre bureau.

Tu étais Patrick mon conseiller.

Sur ce long chemin, j’ai également découvert ta souffrance.

Adolescent, j’ai passé des heures à te masser le dos, un dos qui t’as martyrisé pendant toutes tes études : c’était la maladie de Scheuermann.
Le syndrome d'Adie, la pupille trop dilatée, t’obligeait à porter des lunettes de soleil dès que celui-ci apparaissait.
Tu t’es battu longtemps contre le syndrome de Sudeck, qui décalcifiait ton poignet.

Tes maladies me faisaient peurs :
Comment mon grand frère, mon guide, mon professeur pouvait-il être malade ?

Tu as toujours lutté pour ton bien-être, mais tous ces syndromes révélaient un mal bien plus profond.

Ton cerveau, hors du commun, exacerbait ta sensibilité. Terrifié et torturé par tes émotions, tes sentiments, ton amour, tu préférais souvent l’évitement, le silence ou la fuite en avant. Cela te plongeait dans le non-sens, dans l’absurdité, toi qui était si brillant et si pertinent dans d’autres circonstances.

On a toujours parlé de dépression, mais dans ta souffrance tu n’étais pas moribond. En nous emmenant dans les coins les plus fous, en transmettant ta joie du grand air, en partageant des soirées de rires et d’humour, tu étais source de vie. Il existait un Patrick radieux et rayonnant.

Tu as propagé la vie dans nos cœurs et elle bourdonne dans cette salle.

Je peux te sentir en moi tellement tu m’as construit.

Patrick, je t’ai toujours aimé tel que tu es.


Ralph Thielen

[Hanny]

Merci Ralph pour ce magnifique hommage à ton frère qui nous aidera à le garder chaudement dans nos coeurs. Hanny